
Umm Habiba
était la fille d’Abu Sufyan. Elle embrassa l’Islam avant son père qui ne rejoignit la communauté musulmane qu’à la veille de la conquête de la Mecque. Elle épousa Ubayda Allah Ibn Jahsh. Tous les deux avaient émigré en Abyssinie. Bien que son époux ait renié l’Islam pour devenir chrétien, Umm habiba ne fut point influencée par l’apostasie de son mari qui mourra en Abyssinie. Au contraire, elle persista dans la religion qu’elle avait adoptée librement et sans aucune contrainte.
Emigration en Abyssinie
De son vrai nom Ramlah, elle embrassa l’Islam en même temps que son mari, tandis que son père demeura dans la mécréance. Elle craignit les représailles de son père. Aussi, alors qu’elle était enceinte, alla-t-elle en Abyssinie avec son mari, avec la seconde vague d’émigrants. Ce départ rendit Abu Sufyan fou de colère car sa fille embrassa l’Islam et, à cause de son éloignement, il n’avait aucune possibilité pour la contraindre à revenir à la religion de ses ancêtres. Arrivée en Abyssinie, elle accoucha, quelques temps après, d’une fille qu’elle appela Habiba, d’où le nom sous lequel elle est connue : Umm Habiba.
En Abyssinie, son mari se christianisa et tenta de la rallier à sa nouvelle croyance. Elle refusa d’apostasier et demeura fermement attachée à l’Islam. Il s’ensuit que Umm Habiba s’opposa d’abord à son père et ensuite à son mari. Au nom de l’Islam, elle quitta donc l’oppression de la Mecque et accepta de vivre loin de sa patrie, avec sa fille, née en terre étrangère. Ce nouveau-né allait vivre dans une situation paradoxale : son grand-père était idolâtre, son père était chrétien et sa mère était musulmane.
L’attachement d’Umm Habiba à l’Islam était certainement très fort quand nous prenons connaissance de son mode de vie en Abyssinie. La puissance de son énergie, sa ferme volonté et surtout ses profondes convictions religieuses lui avaient permis de surmonter ses difficultés et son isolement. En effet, à la suite de la conversion de son mari au christianisme, elle eut honte de se présenter devant la petite communauté musulmane d’Abyssinie et de vivre avec eux.
Elle ne pouvait plus retourner à la Mecque car elle n’y trouverait qu’animosité auprès de sa famille. Aussi, s’enferma-t-elle dans sa maison éthiopienne et se replia sur elle-même, montrant un courage exemplaire et d’une endurance à toute épreuve. Sa tristesse devait être encore plus grande en apprenant que son père Abu Sufyan était entré en guerre ouverte contre le Prophète
et contre la Communauté musulmane dont elle faisait partie, corps et âme.
Mariage avec le Prophète
Après un long moment vécu dans le veuvage, une servante du Négus frappa à la porte d’Umm Habiba. La femme émissaire du roi d’Abyssinie lui remit une lettre dans laquelle il lui demandait de désigner un tuteur qui la marierait au Prophète des Arabes.
Umm Habiba n’en croyait pas ses oreilles. Elle fit répéter une fois, puis deux fois et ensuite trois fois cette proposition. Quand elle en fut convaincue, elle enleva de ses poignées les deux bracelets en argent qu’elle remit à la servante pour la remercier de l’annonce de cette bonne nouvelle.
Après le départ de la servante, elle s’adressa à Khalid Ibn Sa’id, le plus en vue des émigrants de son clan les Banu Umiyya. Elle le chargea d’être son tuteur. Le préposé accepta volontiers cette charge.
Le soir même, le Négus convoqua les musulmans présents en Abyssinie et, à leur tête, Ja’far Ibn Abu Talib, cousin du Prophète et Khalid Ibn Sa’id le tuteur d’Umm Habiba. Il s’adressa à eux en faisant appel à un interprète :
– Muhammad Ibn Abd Allah m’a écrit pour que je le marie à Habiba, fille d’Abu Sufyan. Qui est, parmi vous, son tuteur. Ce fut alors que Sa’id se fit connaitre.
Ce fut ainsi que Umm Habiba devint une des Mère des Croyants. La servante lui retourna les bracelets car non seulement le Négus la récompensa suffisamment mais il ordonna à ses femmes d’envoyer à la nouvelle épouse du Prophète ce qu’elles avaient de meilleurs. Elle prendra ces objets avec elle à Médine.
La Vie à Médine
Quand Umm Habiba arriva à Médine, son oncle maternel Uthman Ibn Affan organisa en son honneur une fête au cours de laquelle les invités furent repus de nourriture et de viande. Les autres femmes du Prophète
la reçurent avec enthousiasme et chaleur. Elles n’avaient rien à craindre d’elle car elle s’approchait de sa quarantième année. En outre, la nouvelle venue n’avait pas le charme ensorceleur de Safiya, ni la grâce d’Umm Salma, ni la beauté de Zaynab.
Au sein de la maison du Prophète, Umm Habiba continuait à ressentir la tristesse au fond d’elle même car son père continuait à vivre dans l’idolâtrie et l’égarement. Elle souffrait de voir la guerre opposer d’un côté son mari et de l’autre celui qui l’a mise au monde.
Umm Habiba apprit un jour, que les Quraysh avaient violé le pacte de Hudaybiyya. Elle connaissait suffisamment son mari. Celui-ci n’allait pas se taire devant cette trahison car il n’admettait pas qu’on puisse rompre un accord. Elle s’attendait à le voir partir à l’assaut de la Mecque pour détruire les idoles et les idolâtres dont son père, ses frères, sa famille et tout son clan faisaient partie.
Les notables Qurayshites avaient décidé d’envoyer un émissaire, choisi parmi eux, à Médine pour négocier avec le Prophète. Ce fut Abu Sufyan, le père d’Umm Habiba.
Son Père, Abu Sufyan
Arrivé à Médine, Abu Soufyan se souvint qu’il avait une fille dans cette ville. Il se rendit chez elle dans l’espoir que ses conseils pourraient l’aider à résoudre son problème. Umm Habiba fut surprise de voir son père entrer chez elle. C’était la dernière personne qu’elle pensait voir en cette grave et pénible période. Voyant qu’elle ne l’invitait pas à s’asseoir, il prit l’initiative de se reposer sur la literie du Prophète. Aussitôt, Umm Habiba bondit et plia la literie pour que son père ne puisse pas s’asseoir dessus. Etonné, le père reçcu cette réponse de sa fille :
– C’est la literie de l’Envoyé de Dieu. Et toi, tu es un associateur. Je ne voudrais pas que tu t’asseyes dessus.
– Ma pauvre fille ! Tu as été atteinte d’un mal, dit le père en colère.
Ce n’est qu’au retour du Prophète
, que Umm Habiba connut l’objet de la visite de son père à Médine. Abu Sufyan retourna bredouille à la Mecque sans rien obtenir des musulmans.
Le Prophète
entreprit les préparatifs pour marcher sur la Mecque à la tête de 10 000 combattants. La promesse que Dieu a faite à Son Messager allait se réaliser.
Celui qui t´a prescrit le Coran te ramènera certainement là où tu (souhaites) retourner. Dis: “Mon Seigneur connaît mieux celui qui a apporté la guidée et celui qui est dans un égarement évident.” (Coran 28.85)
Abbas, l’oncle paternel du Prophète, conseilla à Abu Sufyan d’embrasser l’Islam et d’exercer son influence sur les membres de son clan pour qu’ils suivent son exemple. Ce sera, lui dit-il dans son intérêt et celui de son peuple.
Ce fut alors qu’Abu Sufyan se dirigea du côté de l’armée musulmane. Quant Umar Ibn Khattab le vit, il demanda au Prophète
la permission de lui trancher le cou avec son épée. Abbas avait suivi Abu Sufyan. Quand il vit le danger dans lequel ce dernier se trouvait, il dit à l’Envoyé :
– Ô Envoyé de Dieu ! Abu Sufyan est sous ma protection !
Tous les combattants musulmans n’attendaient qu’un seul ordre pour décapiter le chef de file des mécréants. Ils étaient en attente jusqu’au moment où ils entendirent la voix du Prophète dire à Abbas d’emmener Abu Sufyan chez lui et de revenir le lendemain matin. Le Père d’Umm Habiba passa la nuit dans l’attente de la décision de Muhammad quant au sort d’un des plus grands dignitaires de Quraysh.
Au matin, Abu Sufyan se présenta devant le Prophète, entouré des notables d’entre les Muhajirin et des Ansar. L’Envoyé de Dieu lui rappela qu’il avait reçu la nouvelle qu’il n’y avait pas de divinité en dehors de Dieu, et qu’il était son Envoyé. Après avoir tergiversé quelque peu, le père d’Umm Habiba proclama son adhésion à l’Islam. Abbas intervint et demanda à son neveu de faire un geste en faveur de ce nouveau rallié afin de l’honorer au lieu de l’humilier. Ce fut alors que l’Envoyé de Dieu
fit cette déclaration :
– Que celui qui entrera dans la maison d’Abu Sufyan, sera en sécurité. Celui qui restera chez lui et fermera sa porte, sera en sécurité. Celui qui entrera dans la mosquée sacrée, sera en sécurité.
A la Mecque cette proclamation répétée inlassablement “Celui qui entrera dans la maison d’Abu Sufyan, sera en sécurité” traversa le désert et parvint jusqu’à Médine. La nouvelle parvint, bien entendu, aux oreilles d’Umm Habiba qui fut transporté de joie. Elle loua la générosité, la noblesse et la clémence de son époux. Après quoi, elle se prosterna devant Dieu en signe de remerciement.
Mort de Umm Habiba
Umm Habiba mourut probablement en l’an 44 de l’hégire et fut enterrée à Médine, dans le cimetière de Baqi.
Il est à noter que les livres de la Sunna contiennent soixante cinq hadiths rapportés par elle. Ils furent transmis par sa fille, un de ses neveux et une de ses nièces et d’autres encore.